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Type de textesource
TitreRecueil des essaies des merveilles de la peinture
AuteursLebrun, Pierre
Date de rédaction1635
Date de publication originale1849
Titre traduit
Auteurs de la traduction
Date de traduction
Date d'édition moderne ou de réédition
Editeur moderne
Date de reprintIn Mrs Merrifield, Original Treatises Dating from the XIIth to the XVIIth Centuries on the Arts of Painting, Londres, J. Murray, volume 2, p. 767-841.

, Préface au lecteur de la peinture, incipit, p. 767

Quand le grand Alexandre visitant Apelles le grand voulut parler des couleurs et des peintures, les apprentis esclattèrent si fort de rire que le maistre en eust peur et honte. Sire (dit-il tout bas) ne parlez point de le mestier car ces garçons qui broyent les couleurs crevent de rire vous entendant ainsi begayer : vous estes bon pour conquerir les mondes, et nous pour les coucher sur nos tableaux. Vostre espée et nos pinceaux ne s’accordent pas bien en une mesme main, et pour bien faire chacun doit parler de son métier autrement on appreste à rire à toute la compagnie. Alexandre se teut, et se print à rire. Je désire lecteur mon grand amy, vous delivrer de cette peine, et de la peur qu’on ne se gausse de votre niaiserie quand vous voudrez parler de la platte peinture, l’un des nobles artifices du monde. [[4:suite : Zeuxis et Parrhasios]]

Dans :Apelle et Alexandre(Lien)

, p. 775

Meurtrir la trop grande gayeté des couleurs avec vernix qui semble du talc ou du crespe ou de lairs espars sur le tableau ; peindre les conceptions d’esprit sur le tableau (invention d’Apellée inimitable), enfin peindre ce qui ne se peut peindre comme les tonnerres, esclairs, la voix, la respiration, etc. asseoir les couleurs propremen, estre trop rude à la charge des couleurs.

Dans :Apelle et l’irreprésentable(Lien)

, p. 825

Apelles peignoit ce qui ne se pouvoit peindre : on oyoit craquer les tonnerres et les tintamares des nuées esclattantes et toutes trenchées d’esclaires.

Dans :Apelle et l’irreprésentable(Lien)

, p. 769

[[4:suit Zeuxis et Parrhasios]] De la vient qu’un d’eux escrit en ses ouvrages, Res ipsa, c’est la chose mesme, non pas la peinture,  et l’autre fecit Apelles ; ce qu’il mit en trois pieces où il surmonta l’art la nature et soy-mesme, aux autres il mettoit Faciebat, c’est à dire il faisoit, et à dessein n’a point vouluz achever de peur de faire rougir la nature qui se fut confessée vaincue par l’esprit et par l’art. [[4:suite : Peintres archaïques]]

Dans :« Apelles faciebat » : signatures à l’imparfait(Lien)

, p. 769

[[4:suit Apelles faciebat]] De la vient qu’un d’eux escrit en ses ouvrages, Res ipsa, c’est la chose mesme, non pas la peinture, et l’autre fecit Apelles ; ce qu’il mit en trois pieces où il surmonta l’art la nature et soy-mesme, aux autres il mettoit Faciebat, c’est à dire il faisoit, et à dessein n’a point vouluz achever de peur de faire rougir la nature qui se fut confessée vaincue par l’esprit et par l’art, ce n’est pas comme ces badaux qui estoient si niaiz que pour peindre un cheval ils faisoient une asne ou un bœuf et encore si mal fagoté qu’il falloit escrire en gros cadeaux : Messieurs cecy est un asne, cecy est un bœuf, encor mentoient-ilz, car ils estoient deux, luy le beau premier, et celuy qu’il avoit peint l’autre.

Dans :Peintres archaïques : « ceci est un bœuf »(Lien)

, « Façon de parler des beaux tableaux », p. 835

Quand la peinture estoit encore au berceau et à son premier laict, le pinceau estoit si niais, les ouvrages si lourds, qu’il falloit escrire dessus : c’est un bœuf, c’est un asne, autrement vous eussiez pris cela pour un quartier de veau ; maintenant il faut mettre dessous, qu’un tel peignoit de peur qu’on ne creut que ce sont des mors qu’on a collés sur la toile, et des personnages vivants sans vie tant le tout est bien fait.

Dans :Peintres archaïques : « ceci est un bœuf »(Lien)

, p. 767-768

[[4:suit Apelle et Alexandre]] Le plus grand trompeur du monde c’est le meilleur peintre de l’univers et le plus excellent ouvrier, car à vray dire l’eminence de ce mestier ne consiste qu’en une tromperie innocente, et toute pleine d’entousiasme et de divin esprit, les poetes ont leurs inspirations dans la teste où est la verve poëtique, et les peintres au fin bout des doigts et à la pointe sçavante du pinceau. Mais il faut tromper l’œil ou tout n’y vaut rien : il faut qu’on croie que celà est creux et enfoncé, celà enflé, et boursoufflé, cecy hors d’œuvres et qui se jette entierement hors du tableau, cecy esloigné d’une bonne lieue, cela d’une hautesse extrême, cela percé à jour, cecy tout vif et plein de mouvement, que ce cheval court et escume à force de souffler, que ce chien jappe voirement, que ce sang coule de la playe, que les nuées tonnent en effet, et que les nuages sont tous descousus à force d’esclaires qu’on voie sortir coup sur coup, que cet homme rende l’esprit, et qu’on voie l’ame sur ses levres, que les oiseaux bequettent ces raisins et se cassent le becque, qu’on crie haut qu’il faut oster le rideau afin de voir ce qui est caché, cependant il n’y a rien de tout celà, car tout celà est plat, pres, bas, mort et contrefait si artistement qu’il semble que la nature se soit couchée la-dessus pour aider le peintre à nous tromper finement et se moquer de notre bestise. [[4:suite : peintres archaïques]]

Dans :Zeuxis et Parrhasios : les raisins et le rideau(Lien)